AMBULATIO PRAETER CAMINUM

LITTORALEM

(FRANCOGALLICE SCRIPTA)

  Versio en catala proporcionada per Joan de "Forum l'Escala"

PROMENADE LE LONG DU CHEMIN LITTORAL.

 

Piétonnier depuis les aménagements réalisés à l'occasion de l'arrivée maritime de la flamme olympique à Empuries, lors des jeux de Barcelone en 1992, ce chemin (GR) passe devant les ruines de la cité grecque et conduit à Sant Marti, joli village médiéval, habité depuis près de 3000 ans, les grecs phocéens s'y établirent vers 600 av.JC et y fondèrent la "palaïopolis" d'Emporion.

Empuries symbolisant l’antique présence grecque en Espagne, c’est ce lieu qui fut choisi pour le débarquement en grande pompe le la flamme venue d’Olympie pour l’ouverture des jeux de Barcelone en 1992. Une statue et diverses sculptures commémorent cet évènement. De grandioses manifestations furent organisées, et surtout ce fut l’occasion de faire, sur ce littoral privilégié, d’importants travaux d’aménagement. Le cami litoral fut reasphalté et bordé de dalles de marbre dans sa partie centrale. Il fut rebaptisé passeig maritim et fut désormais interdit aux voitures, motos, etc. La belle (mais délabrée) maison des gardes forestiers à Sant Marti fut restaurée et affectée à des activités culturelles (expositions, conférences, etc.). Enfin, Un sentier en bois massif fut construit le long du Passeig proprement dit et la dernière plage, près de Sant Marti fut aménagée à grands frais avec terrasses en marbre et en bois.

 

 

Le passeig longe quatre petites anses avec plages : la platja del Rec del Moli, la platja del Portixol, la platja de les Muscleres et, juste avant Sant Marti, la platja del Moll Grec. La longueur du passeig est d’environ 1,8 kms. Notre promenade part donc de la " Ronda del Padro " où nous pouvons admirer, à l’entrée du passeig, les sculptures commémoratives de l’arrivée de la flamme olympique.

 

 

 

Cette première plage s’appelle platja del Rec del Moli à cause de cette petite rivière, ou plutôt ce gros ruisseau (en catalan, rec=ruisseau) qui se jette là. " Del Moli " parce qu’il actionnait autrefois un superbe moulin (aujourd’hui transformé en restaurant) situé à deux ou trois cent mètres en amont. Ce ruisseau s’appelle aussi Ter Vell (le vieux Ter). Dans cette région marécageuse de l’Ampurdan, région de deltas autrefois mal stabilisés, le cours jadis fluctuant du fleuve Ter venait en grande partie finir ici. Aujourd’hui, le plus gros des eaux du Ter se jettent plus au sud, au delà de Torroella de Montgri, mais il garde encore ce petit effluent qui sillonne la campagne, au milieu des roseaux pour venir déboucher ici.

 

 

Nous allons continuer, dans la pinède, vers la deuxième anse

 

Voici la deuxième anse dite platja del Portixol à cause d’un portique de pierre, de formation naturelle, au dessus de l’eau. La plage est dominée par l’Hotel Ampurias. Ce petit hôtel, vétuste et charmant est, comme on peu le voir, constitué de deux parties aux styles différents à droite et à gauche. La partie gauche fut construite dans les années 60 pour faire face à l’affluence des vacanciers. La partie droite, par contre date de 1909. L’hôtel fut construit à cette époque pour recevoir les archéologues et les premiers visiteurs des ruines d’Ampurias qu’on commençait seulement à mettre au jour. Avec son intérieur quelque peu suranné, il garde un charme d’un autre âge. Derrière l’hôtel, sur la hauteur, se trouve la muraille sud de la ville romaine.

 

Après la platja del Portixol on arrive sur les ruines de la " Neapolis ", la " nouvelle ville ", ainsi très logiquement nommée par les archéologues par extrapolation d’un texte de Strabon qui rapporte que les habitants d’Emporion nommaient " palaïopolis " (la vieille ville) l’actuel village de Sant Marti, lieu de leur première installation. En effet, les Phocéens, vers 600 av. JC, s’établirent d’abord sur l’emplacement de l’actuel Sant Marti, alors îlot rocheux situé à l’Embouchure du Fluvia. Lieu facile à défendre au cas où les autochtones se montreraient hostiles et abris naturel pour leurs embarcations en cas de tempête. Ce n’est qu’un peu plus tard, vers 575, qu’ils commencèrent à s’installer sur la terre ferme. Un mouvement qui allait considérablement s’amplifier vers le milieu du 6ème siècle, du fait d’un afflux d’immigrants venus de leur cité mère, fuyant comme d’autres ioniens leur ville assaillie par les Perses. Suite du commentaire photo suivante.

 

Suite du commentaire de la photo précédente: Au cours de notre promenade, nous passerons d’abord (photo précédente) devant les extensions les plus récentes (2èmesiècle av.JC) jusqu’aux plus anciennes (6ème siècle av. JC). L’extension la plus récente, qu’on aperçoit, était d’abord destinée à recevoir des temples dont les plus importants sont l’Asclepeion, temple-hopital dédié au dieu de la médecine Asclepios (dont on a retrouvé une magnifique statue aujourd’hui conservé au musée archéologique de Barcelone) et le temple dédié à Zeus-Serapis (divinité hellenistique égyptienne, sorte de combinaison entre Zeus et Osiris-Isis), édifié par Numa, un riche négociant d’Alexandrie. Un autre temple, plus petit, était dédié à la fille d’Asclepios, Hygée (laquelle nous aurait fait connaître l’hygiène).

La plage des " muscleres " (les moules) du nom des amas rocheux qui la délimitent.

 

Un peu plus loin, nous trouvons l’agora, qui était bordée de différents bâtiments administratifs, religieux ou commerciaux, notamment une magnifique stoa dont il ne reste malheureusement que les supports des colonnes. La stoa était une espèce de galerie marchande ornée de colonnades. Un fameux philosophe (dont le nom m’échappe maintenant) donnait son enseignement sous une stoa ; On appelait donc ses disciples les " stoïques " et leur école de pensée le " stoïcisme ". La grande bâtisse que l’on voit est un ancien couvent édifié au 15ème siècle et désaffecté depuis le 18ème. Restauré par le grand architecte barcelonais Puig i Cadafalch, qui, depuis 1909 était en charge des fouilles et de la réhabilitation du site d’Empuriès, il abrite aujourd’hui les ateliers et laboratoires des archéologues ainsi qu’un intéressant musée monographique.

 

Voici, bordant le Passeig, le petit sentier en bois qui permet de cheminer sous les frondaisons.

 

Revenus sur le Passeig, nous longeons la plage du " Moll Grec. De l’autre côté du Passeig, par rapport à la plage, se trouve un agréable petit parc public ombragé, avec quelques tables où les gens peuvent pique-niquer le week-end.

 

Le " Carillet ", le petit train qui, à la belle saison (celle des touristes), relie Sant Marti à Montgo, à l’autre bout de L’Escala en passant par la plage del Rec (devant chez nous), la Ronda del Padro, la place des Ecoles, la Punta et Riells.

 

Petit retour : Nous arrivons par le petit sentier de bois à la plage du " Moll Grec " , ainsi nommée parce qu’on peut y admirer une digue datant du 2ème siècle av.JC. Au fond, on voit le promontoire de Sant Marti, avec la maison des gardes forestiers restaurée en 1992, et qui est aujourd’hui destinée à abriter diverses manifestations artistiques ou culturelles.

 

Vue sur le " Moll Grec " (2ème siècle AC) . Cette digue fut sans doute édifiée pour protéger les navires de la tempête venant du Sud-Est, qu’on appelle Xaloc de nos jours, et qui est toujours redoutée des marins. Mais il faut se souvenir que ces lieux avaient une configuration fort différente à cette époque : au lieu de la plage, du Passeig et du petit parc public, c’était de l’eau ! Un estuaire débouchait ici et Sant Marti était une Isle.

 

Nous arrivons aux abords de Sant Marti. Le Passeig se termine ici en fourche : à droite, il monte vers le belvédère, et à gauche, il longe les murs vers l’entrée ouest du village (c’est ce que nous voyons là).

 

Vue de la plage et au delà depuis le belvédère de Sant Marti.

 

Comme on l’a vu plus haut, ce petit ilot rocheux a été abordé vers 600 av. JC par des émigrants phocéens qui y ont fondé un premier établissement. Ils venaient de fonder Marseilles, Agde et quelques autres comptoirs. En fait, en 600, toutes les bonnes places avaient déjà été prises sur les côtes nord de la Méditerranée, depuis la Grèce jusqu’à Naples par des grecs d’autre cités qui avaient lancé leurs vagues d’émigration bien plus tôt (depuis e 9ème siecle). Les Phocéens devaient donc pousser plus loin, et de fait, Emporion était vraiment le " Far West " de l’émigration grecque. En tout cas, au bout de quelques années, les Grecs s’enhardirent et étendirent leur installation sur la terre ferme. Les indigènes Ibères, de la tribu des Indikètes devaient trouver leur compte dans le commerce avec ces nouveaux venus.

 

Tandis que je continuerai mes commentaires historiques, nous visiterons ce charmant village médiéval de Sant Marti d'Empuries.

L’essentiel des échanges des grecs emporitains, se faisaient avec Athènes comme en témoignent les nombreuses monnaies frappées à l’emblème de la chouette, et surtout les innombrables fragments de poteries originaires du quartier de Céramique (à Athènes), retrouvés sur le site. Ensuite, Rome, qui montait en puissance, prit peu à peu le relais. Et puis, Il y eut la première guerre Punique. Les commerçants grecs étaient bien naturellement du parti de Rome contre les Phéniciens, leurs rivaux commerciaux de toujours. Puis il y eut la seconde guerre punique déclenchée par la prise de Sagonte, ville alliée de Rome (comme Emporion), par Hannibal. Après la cuisantes défaite des romains à Cannes, Rome allait tomber aux mains des carthaginois. C’est alors qu’ils décidèrent d’aller attaquer l’arrière garde carthaginoise en Espagne. Emporion fut choisie comme point de débarquement de la flotte transportant les légions commandées par les Scipions.

 

Pour la suite de l’histoire de l’Ampurias romaine, cf. Les premières photos de l’album. Sur cette photo, on peut voir la façade ouest des murailles crénelées qui entouraient la ville, ainsi qu’une poterne surmontée, à gauche, d’un assommoir. Car nous faisons maintenant un grand saut dans le temps pour nous retrouver au moyen äge. Au 4ème siècle, la ville ruinée et le contexte historique peu sur, les derniers habitants se réfugièrent dans la Palaïopolis plus facile à défendre. Elle s’appelait toujours Emporiae, mais la Neapolis était à l’abandon. Les habitant de la Palaïopolis y enterraient leurs morts. Ils transformèrent d’anciens thermes privés, proches de l’agora en chapelle destinée aux services funéraires et la Neapolis, autrefois si vivante, devint un cimetière. Emporiae, réduite à l’actuel village de Sant Marti, était quand même siège épiscopal, et, après le reflux des musulmans et la constitution par Charlemagne des Marches d’Espagne, elle devint en plus siège comtal.

 

Les gens de ces sombres époques étant encore, malgré les efforts de Charlemagne, peu enclins à écrire, on sait peu de chose sur cette période de l’histoire d’Ampurias, Et, quand la Renaissance redonna le goût de la lecture des auteurs anciens (autres qu’Aristote), on découvrit, en lisant Strabon et Tite Live l’importance historique pour l’Espagne d’une mystérieuse cité nommée Emporion en grec ou Emporiae en latin. Quelques esprits curieux cherchèrent donc à situer cette cité. On rechercha donc une ville dont le nom serait à peu près semblable, et on trouva Ampurias (Empuries en catalan)... au beau milieu de la plaine de l’Ampurdan, à quelques kilomètres de la mer. On avait observé dans la région que, du fait d’un fort ensablement, en beaucoup d’endroits, la terre avait tendance à gagner sur la mer. Ce phénomène tendait donc à expliquer pourquoi Empuries se retrouvait si loin de la mer alors que les anciens la décrivaient comme étant un port.

 

Mais alors, notre petit village ? Ce que les enquêteurs de l’époque ignoraient (pour la bonne raison que les habitants eux-mêmes l’avaient oublié), c’est que, vers le 10ème siècle, le comte et l’évêque, pour quelque obscure raison, avaient déménagé pour s’installer plus à l’intérieur des terres, fondant ainsi la petite ville connue de nos jours sous le nom de Castello d’Empuries. Le comte était toujours comte d’Empuries et l’évêque " episcopus Emporiae " et la nouvelle ville prit donc tout naturellement ce nom tandis que notre petit village le perdait pour prendre celui du saint patron de sa petite église, qui était Saint Martin de Tour. D’où la confusion. Toutefois, comme on ne retrouva aucun vestige d’une ancienne cité, on commença à douter.

 

Photo: Vue de la grande place du village avec, un peu plus loin sur la droite, ses terrasses de café et son restaurant "meson del Conde". A gauche, la petite église d'un âge vénérable. Construire à une date incertaine sur l'emplacement du temple de l'Artémis d'Ephese, elle fut reconstruite au 9ème siecle, puis au 13ème, et enfin au 15ème, suite au destructions subies durant le siège du village à cette époque et son bombardement au mortier et au canon qui venaient de faire leur apparition dans l'art militaire. Les nouvelles techniques militaires rendant illusoire la protection de ce type de fortifications, les pêcheurs, qui avaient des cabanons et leurs barques un peu plus au sud, allèrent s'y installer pour de bon, fondant ainsi l'actuelle ville de l'Escala.

 

Photo: sarcophages de type wisigothiques, près de la chapelle funéraire de la neapolis. Suite de l'histoire de la redécouverte d'Ampurias: On a vu qu’au 15ème siècle un couvent (aujourd’hui musée) s’était édifié un peu au dessus de l’agora. Au 16ème siècle, un abbé cultivé et féru d’Histoire, étant de passage dans ce couvent, constata que celui-ci était construit sur ce qui semblait bien être les ruines d’une ancienne cité. Quelques objets trouvés sur place par les nonnes ou par les bâtisseurs renforcèrent son intuition. Ne serait ce pas là l’Emporiae des anciens ? L’abbé étudia le site et écrivit un petit livre qui ne devait être publié que 60 ans plus tard, sans grand retentissement. Certains le suivirent quand même et commencèrent à s’intéresser à la question. On commença à venir sur place pour constater la véracité des allégations de l’abbé qui étaient de plus en plus prises au sérieux. Quelques pillages s’ensuivirent.

 

Suite et fin du commentaire précédent: Vers la fin du 19ème siècle, en plein romantisme, des voix s’élevèrent, influencées par l’oeuvre de Viollet-Leduc en France, pour réclamer la protection et la réhabilitation du site. Les gouvernements de l’époque, qui par ailleurs avaient d’autres chats à fouetter, prirent quelques mesures de protection et se décidèrent enfin, en 1909 a ordonner la réhabilitation du site et les fouilles archéologiques, le tout sous la direction du grand architecte barcelonais Puig i Cadafalch.

 

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D'ALBINUS